Dans cet article, notre objectif est de montrer que la mise en œuvre de l’analyse lexicale par contexte permet notamment l’identification des représentations des utilisateurutilisateurs et les associations de celles-ci avec le design d’un produit. Après un bref rappel des principes de l’analyse lexicale par contexte, nous présenterons l’enquête destinée à recueillir des verbalisations sur des faces avant de voitures. Les principaux résultats liés à l’analyse de ces verbalisations seront ensuite discutés, en mettant en perspective leur intérêt pour le design ou le redesign de formes.
1. Pré requis : l’analyse lexicale par contexte
L’analyse lexicale par contexte a fait l’objet de nombreuses recherches théoriques (De Saussure, 1972) et pratiques (Benzecri, 1973). Avant de présenter son application au design des faces avant de voitures et les résultats obtenus, nous décrivons maintenant les principes théoriques ainsi que les principales étapes de cettede cette analyse.
L’analyse lexicale par contexte vise « non pas à comparer des textes a priori différents, mais à analyser la structure des distributions dans un corpus donné ». Elle se différencie par rapport aux méthodes classiques par la recherche des registres d’expression que l’individu utilise pour verbaliser sa pensée.
La verbalisation prend ainsi une approche référentielle dans une optique de communication interindividuelle où se construit un point de vue. C’est donc au niveau sémantique que se dessine cette approche qui est constituée des 3 étapes suivantes (table 1).
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ETAPE 1 : Préparation des données - Standardisation du vocabulaire
- Recherche des mots (ou lexèmes)
- Définition des énoncés ou unités de contexte
- Construction de tableaux de données
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ETAPE 2 : La Classification - Recherche des classes caractéristiques
- Description des classes
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ETAPE 3 : L’aide à l’interprétation - Relevé du vocabulaire spécifique
- Extraction des unités de contextes
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ETAPE 1 : La préparation des données
- on reconnaît les mots outils à l’aide d’un dictionnaire (articles, prépositions, conjonctions, pronoms, auxiliaires être ou avoir) et on les référence comme mots illustratifs
- à partir d’un autre dictionnaire, on reconnaît les formes associées aux principaux verbes irréguliers et on procède à leur réduction,
- Sur les formes restantes, on applique un algorithme de reconnaissance automatique des lexèmes, qui consiste à analyser pour les familles de formes commençant par la même séquence de lettres, si les terminaisons sont des désinences reconnues (à l’aide d’un dictionnaire) et, dans le cas où elles le seraient, à les réduire (par exemple, il va rassembler les formes « cache », « cachées », « cachaient » sous le même radical «cach+er » dont la fréquence sera prise en compte. Ceci constitue la définition des formes réduites.
Une fois le découpage du corpus en unités de contexte élémentaire (U.C.E) et la reconnaissance des formes réduites effectués, plusieurs tableaux de données sont préparés. Ils croisent unités de contexte et formes réduites. Les formes réduites retenues sont réparties en deux classes : les formes réduites analysables qui seront utilisées pour définir les classes d’unités de contexte (UC) et les formes illustratives qui serviront uniquement à la description des classes obtenues.
ETAPE 3 : L’aide à l’interprétation des classes
La procédure utilisée pour l’approche du champ contextuel consiste, dans un premier temps, à regrouper le vocabulaire dans des classes associatives. Si cette procédure s’apparente nettement avec la manière dont on construit un champ lexical, elle en diffère par le fait essentiel que ces associations n’ont pas de sens « absolu », mais relativement à un champ contextuel particulier (dépendant d’une classe d’énoncés particulière à l’intérieur d’un corpus précis), dont le vocabulaire est fixé préalablement à l’aide d’une analyse statistique.
Pour une représentation plus schématique de la structure du vocabulaire, une analyse factorielle des correspondances est réalisée sur le tableau croisant les classes obtenues avec le vocabulaire. On peut ainsi observer les formes les plus spécifiques de chaque classe, en opposition sur un même graphique.
2. Etude de cas : verbalisation sur des faces avant de voiture
Chaque sujet devait répondre aux 4 questions suivantes :
1-Qu’est ce que cette face avant de voiture évoque pour vous ?
2-Quelles sont pour vous ses formes caractéristiques et principales ?
3-Existe-t-il des formes qu’il ne faut pas changer ? Si "oui" lesquelles ?
4-Pour l’ensemble des formes de cette face avant, quelles sont celles sur lesquelles il serait possible d’envisager des changements (innovation) ?
Intérêt de l’analyse pour le design
L’analyse lexicale permet donc une modélisation statistique du corpus (les verbalisations des utilisateurs) qui peut être ensuite interprétée directement par le designer pour mieux appréhender les représentations des formes d’un objet du point de vue sémantique, tel que cela se réalise déjà en marketing concernant le représentation des produits par les consommateurs (Mathieu, 2002). Dans ce sens, les principaux apports en design industriel sont les suivants :
1-Identifier les classes sémantiques propres à un ensemble de produits (décrites par le contenu -termes représentatifs de ces classes – indice de représentativité des termes),
2-Etablir une correspondance des classes avec les variables externes caractérisant les sujets (âge, milieu socio professionnel, etc.) et avec certains attributs liés aux produits (formes, couleurs, …).
A partir de tous les éléments structurant les verbalisations des consommateurs, le designer pourra plus facilement intervenir sur les formes les plus signifiantes du produit, afin :
1-d’identifier des tendances latentes d’évolution d’un produit,
2-de mieux comprendre les liens implicites entre la sémantique produit et ses caractéristiques,
3-de ne travailler que sur certaines formes,
4-de mieux percevoir les différentes représentations de l’objet.
Cet article montre une voie de recherche intéressante et à notre connaissance nouvelle en design industriel, par l’exploitation des verbalisations d’utilisateurs sur des questions ouvertes.
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